Nicolas Sarkozy : Mon devoir de président c’est de rassembler une majorité et le devoir de la majorité c’est de s’ouvrir. Si la majorité ne s’ouvre pas, elle se condamne
Propos recueillis par Nicolas Beytout, Alexis Brézet, Pierre Rousselin et Bruno Jeudy.
Dans sa première interview depuis son élection, le chef de l’État réaffirme en exclusivité pour Le Figaro sa volonté de mettre en oeuvre son projet fondé sur “la franchise et la vérité” dès le lendemain du scrutin des 10 et 17 juin.
LE FIGARO - Quels enseignements tirez-vous de ce premier mois à l’Elysée ?
Nicolas Sarkozy.-
Vous faites allusion à votre proposition de réserver la présidence de la commission des finances à l’opposition…
Comment?
Cela devrait être le cas, si l’on en croit les sondages…
En demandant une large majorité, ne donnez-vous pas des arguments à ceux qui vous reprochent de «vouloir tous les pouvoirs»?
Réformerez-vous le mode de scrutin des législatives ?
Je recevrai après l’élection toutes les formations politiques représentées à l’Assemblée, au Sénat et au Parlement européen…
Y compris le Front national ?
Au nom de quoi l’écarterais-je, dès lors qu’il a des élus? J’écouterai les propositions de chacun. Si un consensus se dégage en faveur d’une dose minoritaire de proportionnelle, nous en discuterons. Je ne suis pas fermé.
Allez-vous procéder à un remaniement après les législatives ?
Des secrétaires d’Etat feront leur entrée. Je précise tout de suite qu’ils seront nommés en petit nombre : on ne doublera pas, loin de là, la taille du gouvernement! J’ajoute qu’ils devront répondre à des critères de diversité à la fois par leurs origines territoriales, leurs origines politique et être représentatifs de la France multiple. Par ailleurs, la parité est un objectif auquel je ne renoncerai pas.
Comment définiriez-vous votre relation avec François Fillon ?
Des frictions sont tout de même apparues lorsque le ministre du Budget a évoqué la question de la déduction des intérêts d’emprunt ou la «pause» dans la lutte contre les déficits …
Sur ce dernier point, je ne laisserai dire à personne que nous ne tiendrons pas nos engagements européens en matière de maîtrise des dépenses publiques. Je n’ai jamais employé le mot «pause». La France a pris des engagements, elle les respectera. Pour réduire les déficits, il faut réduire les dépenses et augmenter les recettes. Je suis engagé dans un projet de revalorisation du travail. J’affirme que cette politique nous permettra de gagner la croissance qui nous manque. Mais cette démarche n’est pas exclusive d’économies. Je confirme la règle du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux dès le budget 2008. Je confirme que nous réformerons les régimes spéciaux en 2008. Je confirme aussi qu’il nous faudra trouver de nouvelles économies sur l’assurance maladie.
La session extraordinaire se prolongera-t-elle en août ?
Le mois de juillet sera consacré à l’action législative prioritaire. Le mois d’août, aux vacances. Dans l’immédiat, je veux faire passer un texte économique et financier très fort qui montrera la cohérence de notre politique
Ce ne sera pas un collectif budgétaire ?
Non. Un collectif budgétaire c’est ouvrir de nouvelles dépenses. Moi je veux créer les conditions d’une nouvelle stratégie économique.
Allez-vous bousculer les habitudes lors du 14 juillet ?
Le 14 juillet, j’inviterai un détachement militaire de chacun des vingt-six pays de l’Union européenne à défiler sur les Champs Elysées. Ce sera un beau symbole ! La garden-party sera consacrée aux victimes et plus largement à tous ceux qui ont traversé des épreuves. Seront aussi invités tous ceux qui ont fait un acte de bravoure. Le soir, nous organiserons au Champ de Mars un grand concert en l’honneur de la France et de l’Europe.
Et la traditionnelle interview présidentielle ?
Ce sera une conférence de presse, probablement un peu avant le 14 juillet.
Vous avez annoncé une loi contre les «parachutes dorés». Comment va-t-elle fonctionner ?
Le dispositif, très simple, consistera à lier l’existence de primes de départ - qui devront être votées par l’assemblée générale des actionnaires - à la performance du dirigeant remercié. Pas de performance, pas de prime.
Le président de la République soutient-il un candidat pour la présidence de l’Assemblée et celle du groupe UMP ?
Non. Mais le président de la République peut dire à ses amis: avant de vous concurrencer pour savoir qui présidera quoi, peut être serait-il plus judicieux de conquérir d’abord la majorité.
Que pensez-vous de la controverse entre Jean-Pierre Raffarin et Patrick Devedjian sur la gouvernance de l’UMP ?
Je ne suis plus président de l’UMP et je n’ai pas à avoir d’opinion sur le sujet. Il n’est pas absurde qu’une formation politique modifie son organisation dès lors que le président de la République est issu de ses rangs. Mais cette affaire de statuts n’intéresse pas les Français, ni le président de la République.
L’UMP est tout de même votre famille politique ?
Et la réforme de la carte judiciaire ?
La réforme de la carte judiciaire est indispensable et incontestable.
La justice de proximité ce n’est pas d’avoir un tribunal dans toutes les villes. C’est d’avoir une justice rapide et incontestable qui réponde aux vœux des justiciables. Il y a des départements où il y a trois tribunaux de grande instance, d’autres où il y a plusieurs cours d’appel. Depuis 1958, la carte judiciaire n’a pas évolué. La France, oui. Des discussions doivent s’ouvrir.
Vous vous étiez engagé à définir le rôle de votre épouse après votre élection, qu’en est-il ?
Nous en parlons beaucoup, elle et moi. Elle aura l’occasion d’exposer sa vision de son rôle d’ici peu, lorsque les choses seront définitivement calées.
Avez-vous eu un contact avec Jacques Chirac depuis son départ ?
Au conseil européen de juin, vous ne vous opposerez pas à l’adhésion de la Turquie à l’Union. Avez-vous changé d’avis ?
Ma priorité en Europe est d’obtenir le traité simplifié. Mais si je pose, en même temps, la question de la Turquie, il n’y aura pas de traité simplifié. Je n’ai pas changé d’avis: la Turquie n’a pas sa place en Europe. Mais le rendez-vous est en décembre, pas en juin. J’ai engagé des discussions avec le premier ministre turc, M. Erdogan, pour lui faire comprendre que ma position n’était en rien dirigée contre les Turcs mais qu’elle concernait la question essentielle des frontières de l’Europe. Après le Conseil européen de juin, je proposerai une stratégie qui permettra de trouver une voie pour ne pas casser l’Europe et, en même temps, ne plus continuer sur la stratégie de l’adhésion.
Où en est-on dans la négociation en vue d’un traité européen simplifié ?
Qu’attendez vous du G-8 ?
Je souhaite un accord sur un objectif chiffré pour la réduction des gaz à effet de serre. On ne peut pas transiger là-dessus. Je suis un ami des États-Unis, un allié déterminé et un ami sans arrière pensées. Mais je leur dis: il faut faire un effort. La première puissance du monde ne peut pas s’exonérer de donner l’exemple sur la préservation des équilibres de notre planète. Le deuxième enjeu consiste à mobiliser davantage de richesses en faveur de l’Afrique. Qui ne voit qu’il y a lien entre les deux enjeux ? Au Darfour, des populations se sont déplacées à cause de la sécheresse et cela conduit à des affrontements barbares. Je veux porter une autre politique africaine qui consiste à parler franchement aux Africains. Je crois au droit à l’accès universel au traitement du Sida en 2010. Mais je veux parler un langage de vérité aux Africains : leurs problèmes ne viennent pas que de l’extérieur de l’Afrique.
Au Darfour, que faut-il faire ? Des couloirs humanitaires ? Des sanctions contre Khartoum ?
Il y a au Darfour deux cents camps de réfugiés sur un territoire grand comme la France. Et c’est la saison des pluies….
Mais on ne peut rester les bras croisés. Il faut d’urgence traiter les trois dimensions de cette tragédie : la sécurité avec l’envoi d’une force ONU-Union Africaine, la relance d’une négociation politique et, enfin, l’aide humanitaire sous toutes les formes possibles. J’en parlerai au G8 et à ma demande Bernard Kouchner se rendra sur place dans les prochains jours.
Comment abordez-vous votre rencontre avec Vladimir Poutine ?
Il est très important d’avoir de bonnes relations avec la Russie. C’est un grand peuple, une grande nation. Je n’ignore pas les difficultés de M. Poutine, ses problèmes et ses réussites. Je vais le voir avec beaucoup d’intérêt, pour l’écouter et pour le comprendre. Qu’est ce qui le motive ? La Russie est redevenue un grand pays du monde. Cela devrait la conduire à la sagesse et à la sérénité. Je dirai à M. Poutine que l’amitié c’est également la franchise. Il est franc quand il parle de son désaccord avec les Américains sur le système antimissile. Je ne prends pas cela comme inamical. Il ne doit donc pas juger inamicales les questions qui ont été posées sur les droits de l’homme, et sur l’économie de marché en Russie. Je vais le rencontrer avec la volonté qu’on se comprenne et que lui aussi accepte qu’on n’est pas forcément tous sur la même ligne.
Est-ce une bonne idée de déployer ce bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque ? Pourquoi n’en a-t-on pas parlé entre Européens ?
Ce bouclier ne peut pas être efficient contre les missiles russes compte tenu justement de sa proximité. Il est peut-être agressif à l’endroit de la Russie politiquement mais il ne l’est pas militairement. Il eut mieux valu une concertation européenne, c’est certain. M. Poutine a raison de nous dire qu’il faut comprendre le sentiment national russe mais je lui demande de prolonger sa réflexion. Comprenons l’histoire de la Pologne, comprenons l’histoire de la République tchèque.
Le dossier d’Ingrid Betancourt avance. Avez-vous un espoir de dénouement rapide ?
Pas à ce jour. Je veux rendre hommage au président Uribe qui en libérant Rodrigo Granda a fait un geste dont je mesure qu’il n’était pas facile pour lui. La négociation est très difficile. Ce que nous avons fait était nécessaire mais n’est pas suffisant. D’autres discussions auront lieu. Je ne peux en dire plus. La priorité est d’avoir une preuve de vie d’Ingrid Betancourt. Ensuite nous pourrons prendre d’autres initiatives.
Nicolas Sarkozy : “J’ai besoin d’une majorité large pour réformer en profondeur”
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One Response to “Nicolas Sarkozy : Mon devoir de président c’est de rassembler une majorité et le devoir de la majorité c’est de s’ouvrir. Si la majorité ne s’ouvre pas, elle se condamne”
By tophil on Jun 13, 2020
Je ne suis pas allé voter dimanche et je n’irai pas non plus dimanche.Pourquoi?
Car la droite comme la gauche n’est composée que de personnes qui, une fois élues, ne pensent qu’à elles.Prenons par exemple cette loi votée à l’unanimité par tous les parlementatires et qui leur permet de toucher durant 5 ans des indémnités chômage sans compter qu’ils toucheront 20% de cette somme à vie.A l’heure ou l’ on nous parle d’équité, de transparence, déconomie et d’égalité, nos hommes politiques se moquent pas mal des français de la base qui se lèvent le matin pour aller gagner de quoi payer des impôts de plus en plus lourds.